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« Je veux prouver que quiconque agit bien et noblement, peut par cela même supporter le malheur. »

Beethoven

À la municipalité de Vienne. 1er février 1819.


L’air est lourd autour de nous. La vieille Europe s’engourdit dans une atmosphère pesante et viciée. Un matérialisme sans grandeur pèse sur la pensée, et entrave l’action des gouvernements et des individus. Le monde meurt d’asphyxie dans son égoïsme prudent et vil. Le monde étouffe. — Rouvrons les fenêtres. Faisons rentrer l’air libre. Respirons le souffle des héros.

La vie est dure. Elle est un combat de chaque jour pour ceux qui ne se résignent pas à la médiocrité de l’âme, et un triste combat le plus souvent, sans grandeur, sans bonheur, livré dans la solitude et le silence. Oppressés par la pauvreté, par les âpres soucis domestiques, par les tâches écrasantes et stupides, où les forces se perdent inutilement, sans espoir, sans un rayon de joie, la plupart sont séparés les uns des autres, et n’ont même pas la consolation de pouvoir donner la main à leurs frères