source dans un sentiment assez amer du néant[1], avec des accès de lassitude un peu maladive, auxquels succèdent des accès d’humour fantasque, de gaieté nerveuse, de goût capricieux pour la parodie, le burlesque, le bouffon. Et c’est aussi une humeur un peu inquiète et trépidante, qui le fait fuir à travers le monde, écrivant des Rapsodies bretonnes et auvergnates, des Chants persans, des Suites algériennes, des Barcarolles portugaises, des Caprices danois, russes ou arabes, des Souvenirs d’Italie, des Fantaisies africaines, des Concertos égyptiens ; — et qui lui fait de même parcourir les siècles, avec ses tragédies grecques, ses airs de danse du XVIe et du XVIIe siècle, ses préludes et ses fugues du XVIIIe ; — toutes ces musiques exotiques et archaïques, reflets des époques et des contrées, où sa pensée vagabonde, — mais où l’on reconnaît toujours sa figure spirituelle et mobile de Français en voyage, qui va à sa fantaisie, peu soucieux de pénétrer le sens des peuples qu’il traverse, livré paresseusement au caprice de ses impressions, ramenant tout à soi, « francisant » ce qu’il voit, — à la façon de Montaigne en Italie, qui compare Vérone à Poitiers et Padoue à Bordeaux, et, quand il est à Florence, fait bien moins attention aux Michel-Ange qu’à « un mouton de fort étrange forme, et à un animal de la grandeur d’un fort grand mâtin de la forme d’un chat, tout martelé de blanc et noir, qu’ils nomment un tigre ».
Au point de vue purement musical, il y a quelques analogies, semble-t-il, entre sa personnalité et celle de Mendelssohn. C’est chez l’un et chez l’autre la même modération intellectuelle, le même équilibre maintenu entre tant d’éléments hétérogènes, qu’ils mettent en œuvre. Ces éléments, chez tous deux, ne sont pas les mêmes, parce que l’époque, le pays, le milieu, ne sont
- ↑ Les Heures. Mors. Modestie. (Rimes familières.)