génies, comme Schumann, et des plus puissants, comme Bach, — « cet art guindé, dans lequel on s’ennuie comme dans un salon dévot d’une petite ville de province : on étouffe, c’est à mourir[1]… ». — « Saint-Saëns n’est point un pédant, écrivait Gounod ; il est resté bien trop enfant, et devenu bien trop savant pour cela. » Surtout il a toujours été bien trop Français. Il me fait quelquefois l’impression d’un écrivain de notre xviiie siècle. Non de l’Encyclopédie, ni du camp de Rousseau. Mais de l’école de Voltaire. Il en a la pensée nette, l’expression élégante et concise, la distinction d’esprit, qui fait que sa musique est « non seulement élevée, mais bien élevée, de belle race et de noble maison[2] ». Il en a aussi le bon sens impeccable, un peu froid, « le calme dans la verve, la sagesse dans la fantaisie, un jugement toujours maître de lui, au sein même des émotions les plus troublantes[3] », — ce bon sens ennemi de toute obscurité de pensée, de tout mysticisme, qui lui a fait écrire ce curieux livre : Problèmes et Mystères, dont le titre peut tromper sur l’esprit de raison qui y règne, et où il fait appel à la jeunesse pour défendre « la clarté du monde menacée » contre les brouillards du Nord, les dieux Scandinaves, les divinités de l’Inde, les miracles catholiques, Lourdes, le spiritisme, l’ésotérisme, et l’ « amphigourisme[4] ». Du xviiie siècle il a surtout l’amour, le besoin de la liberté. On pourrait dire que la liberté est sa seule passion. « J’aime passionnément la liberté[5] », a-t-il écrit. Et il
- ↑ Saint-Saëns, cité par Edmond Hippeau, Henry VIII et l’Opéra français, 1883.
M. Saint-Saëns parle ailleurs de « ces œuvres bien écrites, mais lourdes, antipathiques, reflétant d*une façon désolante l’esprit étroit et pédant de certaines petites villes de Germanie ». (Harmonie et Mélodie.)
- ↑ Ch. Gounod, « Ascanio » de Saint-Saëns, 1890.
- ↑ Id., ibid.
- ↑ C. Saint-Saëns, Problèmes et Mystères, 1894.
- ↑ Harmonie et Mélodie.