que des blâmes, et jugeait ses triomphes avec une sévère mélancolie :
Tu connaîtras les yeux menteurs, l’hypocrisie
Des serrements de mains,
Le masque d’amitié cachant la jalousie,
Les pâles lendemains
De ces jours de triomphe où le troupeau vulgaire
Qui pèse au même poids
L’histrion ridicule et le génie austère
Vous met sur le pavois[1].
L’âge est venu, la renommée s’est étendue : il n’a pas désarmé. Dans ces dernières années, il écrivait encore à un journaliste allemand : « Je suis fort peu sensible à la critique et à l’éloge, non par sentiment exagéré de ma valeur, ce qui serait une sottise, mais parce que, produisant des œuvres pour accomplir une fonction de ma nature, comme un pommier produit des pommes, je n’ai pas à m’inquiéter de l’opinion qu’on peut formuler sur mon compte[2]. »
Cette indépendance est rare de tout temps ; elle l’est surtout de notre temps, où le pouvoir de l’opinion est tyrannique, et surtout en France, où l’artiste est plus sociable qu’ailleurs. De toutes les qualités de l’artiste, elle est la plus précieuse : car sur elle reposent les autres ; elle est la garantie de sa conscience et de sa force intime. Aussi faut-il la mettre en lumière tout d’abord.
La signification artistique de M. Saint-Saëns est double, selon qu’on l’envisage en France, ou hors de France. Dans la musique française, il représente quelque