Vendredi Saint, ne s’est même point donné la peine de peindre un coin de mer autour du vaisseau du premier acte. Croyez qu’il lui en a dû coûter, et qu’il l’a voulu ainsi. Il lui a plu d’enfermer le redoutable drame dans les murailles d’une chambre de tragédie. À peine quelques mesures de chœurs. Rien qui puisse distraire du mystère des âmes. Deux personnages seulement, les deux amants, — et un troisième, aux mains de qui les deux autres sont des victimes livrées : le Destin. Quel sérieux admirable dans cette pièce d’amour ! Cette passion frénétique reste sombre, sévère, austère : nul sourire, mais une conviction quasi religieuse, plus religieuse encore peut-être, par sa sincérité, que celle de Parsifal.
Grand enseignement pour le drame, que cet homme qui supprime du drame le jeu frivole, les épisodes vains, et qui le ramène uniquement à la vie intérieure, aux âmes vivantes. Par là, il est notre maître, un maître plus véridique, plus probe, plus fort, plus profitable à suivre, malgré ses erreurs, que tous les maîtres du théâtre littéraire de son temps.
Je m’aperçois que là critique a pris dans ces notes plus de place que je n’aurais voulu. Et pourtant, combien j’aimais Tristan ! Quelle boisson enivrante il fut, pendant des années, pour nous, pour ceux de notre âge ! A-t-il rien perdu de sa grandeur ? Non ; elle demeure intacte ; Tristan continue d’être le plus haut sommet de l’art depuis Beethoven.
Mais, tandis que l’autre soir je l’écoutais, je pensais malgré moi : « Tu passeras, toi aussi ; tu iras rejoindre Gluck, Bach, Monteverdi, Palestrina, toutes les grandes âmes dont le nom persiste parmi les hommes, mais