dämmerung, nulle part, on n’en souffre davantage : car, nulle part, l’effort du génie n’est plus violent, ni son vol plus vertigineux. — Wagner le sentait mieux que personne. Ses lettres montrent le désespoir d’une âme aux prises avec son démon, qu’elle étreint, qu’elle dompte, et qui lui échappe constamment. Ce sont des cris de douleur, des invectives de rage, un dégoût mortel :
« Quel lamentable musicien je suis, jamais je ne te le dirai assez. Du fond de mon cœur, je me tiens pour un absolu raté, un bousilleur (Stümper). Tu devrais me voir, quand je me dis : « Il faut pourtant marcher », — et quand je me mets au piano, et que j’amalgame ensemble quelques misérables ordures (Dreck) pour les rejeter aussitôt comme un idiot ! Quelle conviction intime j’ai de ma gueuserie musicale ! (Lumpenhaftigkeit)… Crois-moi, il n’y a plus grand’chose à attendre de moi. Je crois réellement aujourd’hui que Reissiger m’a aidé à faire Tannhaüser et Lohengrin. »
Ainsi écrit Wagner à Liszt, au moment de terminer ce miracle de l’art. De même, Michel-Ange écrivait à son père, en 1509 : « Je suis dans l’angoisse. Je n’ose rien demander au pape depuis un an, parce que mon travail n’avance pas assez pour me paraître mériter une rémunération. L’œuvre est trop difficile, et ce n’est point là ma profession : je perds mon temps sans utilité. Dieu m’assiste ! » — Depuis un an, il travaillait à la voûte de la Sixtine.
Ne faut-il voir là qu’un accès de modestie passionnée ? Personne n’eut plus d’orgueil que Michel-Ange, ou Wagner. Mais ils sentaient, comme une blessure cuisante, les défauts de leurs œuvres. Ces défauts n’empêchent point leurs œuvres d’être la gloire de l’esprit humain ; mais ils existent, cela est trop certain.
Je ne veux pas insister sur le vice inhérent au théâtre de Wagner : le drame de Wagner n’est qu’une