Siegfried rappelle les Meistersinger, qui sont de cette époque. Ce n’est plus la même joie, la même qualité de joie, que dans les premiers actes.
N’importe ! c’est la joie ; et si splendide a été l’inspiration première de l’œuvre que les années n’ont pu en éteindre l’éclat. On voudrait arrêter là l’épopée ; on voudrait éviter la sombre Götterdämmerang. Pour des cœurs sincères qui sentent profondément, combien est douloureux le triste quatrième jour de la Tétralogie ! Je me souviens des larmes que je voyais verser, au dénouement du Ring, et de ce mot d’une amie, au sortir du théâtre de Bayreuth, tandis que nous descendions la colline dans la nuit : « Il me semble que je reviens de l’enterrement de quelqu’un que j’ai beaucoup aimé ». C’est en effet un deuil. Et il y a peut-être quelque chose d’un peu disproportionné à bâtir un tel monument pour une telle conclusion : la Mort universelle, — ou du moins à faire de cet ensemble un objet de spectacle et d’enseignement. Tristan arrive au même but avec bien plus de puissance, car il est plus rapide. D’ailleurs, sa fin soulage : la vie, dans Tristan, est odieuse. Il n’en est pas de même ici : malgré l’absurde trahison du sort, qui s’acharne contre l’amour de Siegfried et de Brünnhilde, la vie est joyeuse, désirable, puisqu’il y a des êtres tels qu’eux, et qu’ils s’aiment ; ici, la mort paraît un cataclysme grandiose, mais affreux. Et l’on ne peut dire que le Ring souffle l’esprit de renoncement et de sacrifice, comme Parsifal : le renoncement et le sacrifice y sont seulement exprimés ; ils ne sont pas communicatifs ; ils ne sont pas une douceur, en dépit de l’élan suprême qui pousse Brünnhilde au bûcher. On a l’impression d’une fosse ouverte devant soi, et l’angoisse effroyable au moment d’y voir tomber ceux qu’on aime.
Bien souvent, j’ai déploré que la première conception de Wagner eût changé au cours des années ; et, malgré