du ciel bleu, le silence vibrant plein de vies invisibles, tout ce divin sommeil dans les bras maternels de la Nature au mystérieux sourire.
Wagner laissa Siegfried endormi dans la forêt, pour s’embarquer sur le funèbre vaisseau de Tristan et Ysolde. Il se sépara de lui avec déchirement.
« J’ai conduit mon jeune Siegfried au fond de la forêt solitaire : là, je l’ai couché au pied d’un tilleul et j’ai pris congé de lui en versant des larmes. J’ai usé de contrainte envers moi-même. Je l’ai arraché de mon cœur pour l’enterrer tout vivant. Il m’a fallu me livrer un rude et dur combat avant d’en venir là… Le reprendrai-je jamais ? C’est fini. N’en parlons plus[1]. »
Wagner avait raison de pleurer. Il sentait bien qu’il ne retrouverait plus jamais son jeune Siegfried. Il le réveilla dix ans plus tard. Mais ce n’est plus le même. — Le superbe troisième acte n’a plus la fraîcheur unique des deux premiers. Wotan y a pris une place considérable, et, avec lui, le raisonnement, le pessimisme ont envahi le drame. Le génie est peut-être plus haut et plus maître de lui (le réveil de Brûnnhilde a une grandeur antique) ; mais il n’a plus la flamme et l’abondance juvénile. — Je sais que telle n’est point l’opinion de la plupart des wagnériens ; mais, à l’exception de quelques pages d’une beauté sublime, je n’ai jamais pu aimer complètement les deux scènes d’amour de la fin de Siegfried et du commencement de la Götterdämmerung. J’y trouve de l’emphase et de la déclamation. Un raffinement presque excessif y confine à la platitude. Dans la trame du duo, il y a de la fatigue, quelque chose de morcelé. La lourde carrure des dernières pages de
- ↑ Wagner à Liszt, 28 juin 1857.