Brünnhilde ; et, en 1851, il écrit le poème du Jeune Siegfried. Siegfried et Brünnhilde représentent l’humanité future, les temps nouveaux qui s’accompliront quand la terre sera délivrée du joug de l’or. Puis il remonte plus haut encore, jusqu’aux sources de la légende ; et Wotan paraît, symbole de notre temps, de l’homme tel que nous sommes, par opposition à Siegfried qui est l’homme tel que nous devrions être, tel qu’il sera[1]. Enfin il imagine « le Crépuscule des Dieux » ; et le Walhall s’écroule avec la société présente, pour faire place à l’humanité régénérée. Wagner écrit, à Uhlig, en 1851, que l’ensemble de l’œuvre devait être joué « après la grande Révolution[2] ».
Le public de l’Opéra serait probablement bien étonné d’apprendre qu’il acclame une œuvre révolutionnaire, dirigée expressément par Wagner contre ce capital détesté, dont la ruine lui tenait si fort à cœur. Il ne se doute guère non plus de tout ce que ces pages de joie rayonnante cachent de douleur.
Wagner était à Zurich, après un séjour à Paris, où il avait tant souffert, « de dégoût pour le monde artistique, et d’horreur pour la contrainte qu’il s’était imposée », qu’il fut atteint « d’une maladie nerveuse qui faillit le tuer ». Il se remit à son Jeune Siegfried qui lui « procura de grandes joies. Mais je suis malheureux, dit-il, de ne pouvoir que chanter. Je travaille sans me donner le change un seul instant. Je sens que c’est une illusion, et que rien ne vaut la réalité. » — « Ma santé n’est pas
- ↑ « Regarde bien Wotan : il nous ressemble à s’y méprendre ; il est la somme de l’intelligence actuelle, tandis que Siegfried est l’homme attendu, voulu par nous, l’homme de l’avenir, qui ne peut être fait par nous, qui doit se faire lui-même par notre anéantissement, — l’homme le plus parfait que je puisse imaginer. » (Wagner à Roeckel, 25 janvier 1854.) — Pour l’histoire de cette période, et la genèse de l’Anneau du Nibelung, voir le chapitre III du livre de M. Henri Lichtenberger, Richard Wagner poète et penseur ; — et la correspondance de Wagner avec Liszt, Uhlig et Roeckel.
- ↑ 12 novembre 1851.