et un peu barbares. La Marche de Rakoczy est moins une marche hongroise que la musique des batailles révolutionnaires ; elle sonne la charge ; il convient de lui donner pour épigraphe, comme dit Berlioz, les vers de Virgile :
....................Furor iraque mentes
Præcipitant, pulchrumque mori succurrit in armis[1].
Et quand Wagner entend la Symphonie funèbre et triomphale, il est forcé lui-même de reconnaître à Berlioz « son entente à écrire des compositions parfaitement populaires au sens le plus idéal du mot » :
J’éprouvai, en écoutant cette symphonie, l’impression vive que le premier gamin en blouse bleue et en bonnet rouge devait la comprendre à fond. Je n’aurais nulle hésitation à donner le pas à cette œuvre sur les autres œuvres de Berlioz : elle est noble et grande, de la première à la dernière note ; un sublime enthousiasme patriotique, qui s’élève du ton de la déploration aux plus hauts sommets de l’apothéose, garde cette œuvre de toute exaltation malsaine. … Je dois exprimer avec joie ma conviction que cette symphonie durera et exaltera les courages, tant que durera une nation portant le nom de France[2].
- ↑ Lettre du 14 février 1861 à de jeunes Hongrois. — Voir dans
les Mémoires, II, 212 et suiv., l’émotion incroyable produite par
la Marche de Rakoczy sur le public de Pesth, et surtout la scène si
frappante de la fin :
« … Je vois entrer à l’improviste un homme misérablement
vêtu et le visage animé d’une façon étrange. En m’apercevant, il
se jette sur moi, m’embrasse avec fureur, ses yeux se remplissent
de larmes, c’est à peine s’il peut balbutier ces mots : « Ah ! monsieur,
monsieur ! moi Hongrois,… pauvre diable,… pas parler français…,
un poco l’italiano… Pardonnez… mon extase… Ah ! ai
compris votre canon… Oui, oui, la grande bataille… Allemands
chiens ! » Et se frappant la poitrine à grands coups de poing :
• Dans le cœur, moi… je vous porte… Ah ! Français… révolutionnaire…
savoir faire la musique des révolutions… » - ↑ 5 mai 1841. Traduction Camille Benoît (Richard Wagner, Musiciens, poètes et philosophes, 1887).