deux orchestres et chœur ; c’est le Te Deum pour orchestre, orgue et trois chœurs, que Berlioz aime entre toutes ses œuvres, et dont le finale (Judex crederis) lui paraît ce qu’il a écrit de plus grandiose[1] ; c’est l’Impériale, pour deux orchestres et deux chœurs ; c’est le fameux Requiem, avec ses « quatre orchestres d’instruments de cuivre séparés les uns des autres, et dialoguant à distance autour du grand orchestre et de la masse des voix ». Ce sont souvent, comme le Requiem, des œuvres d’un style trop hâtif, d’un sentiment un peu vulgaire, mais d’une grandeur écrasante. Elles ne la doivent pas seulement à l’énormité des moyens employés, mais à « la largeur du style et à la formidable lenteur de certaines progressions, dont on ne devine pas le but final, et qui donnent à ces compositions leur physionomie étrangement gigantesque[2] ». Berlioz a laissé là de puissants exemples de la beauté qui peut se dégager, en musique, de la masse toute brute. Ainsi les Alpes monstrueuses, belles pourtant et poignantes par leur immensité. Dans ces ouvrages cyclopéens, « le compositeur laisse agir, comme dit un critique allemand, la force élémentaire et brutale du son, du rythme pur[3] ». Ce n*est presque plus de la musique. Ce sont des forces de la nature. Berlioz appelle lui-même son Requiem « un cataclysme musical[4] ».
Ces ouragans sont faits pour parler au peuple, pour remuer et soulever ce lourd océan humain. Le Requiem est un Jugement dernier, non comme celui de la Sixtine (que Berlioz n’aimait point), pour de grandes aristocraties, mais pour des foules tumultueuses, passionnées,