Dans son voyage d’Italie, il fait route, de Marseille à Livourne, avec des conspirateurs mazziniens, qui vont prendre part aux soulèvements de Modène et de Bologne. Qu’il le veuille ou non, il est le musicien des révolutions. Il a le sens de la vie populaire. Non seulement il lance sur le théâtre des foules grouillantes et tumultueuses, comme celle du Carnaval Romain, au second acte de Benvenuto, qui annonce, trente ans d’avance, les foules des Meistersinger, mais il crée une musique populaire, un style colossal.
Le modèle était ici Beethoven, le Beethoven de l’Héroïque, de l’Ut mineur, de la Symphonie en la, surtout de la Neuvième. Berlioz est encore en ceci son héritier et son continuateur[1]. Et, avec son entente de l’effet matériel, de la matière sonore, il bâtit des édifices babyloniens, ninivites », comme il écrit lui-même[2], une musique à la Michel Ange[3] », « en style énorme[4] ». C’est la Symphonie funèbre et triomphale pour
- ↑ C’est de Beethoven, dit Berlioz, que date « l’avènement dans notre art de ces formes colossales ». (Mémoires, I, 112.) — Berlioz oublie un des modèles de Beethoven : Hændel. — Il y a lieu de tenir compte aussi de l’exemple des musiciens de la Révolution française : Méhul, Gossec, Cherubini, Lesueur, dont les œuvres n’égalent pas sans doute les intentions, mais ne sont pas sans grandeur, et décèlent souvent l’intuition d’un art nouveau, héroïque et populaire.
- ↑ Lettre à Morel, 1855. Berlioz appelle ainsi le Tibi omnes et le Judex de son Te Deum. À rapprocher du jugement de Heine : « La musique de Berlioz me fait songer à de gigantesques espèces de bêtes éteintes, à de fabuleux empires… Babylone, les jardins suspendus de Sémiramis, les merveilles de Ninive, les audacieux édifices de Mizraïm… »
- ↑ Mémoires, I, 17.
- ↑ Lettre à un inconnu, datant probablement de 1855 (collection Siegfried Ochs) et publiée dans la Geschichte der französischen Musik d’Alfred Bruneau, Berlin, 1904. Cette lettre comprend un catalogue analytique assez curieux de l’œuvre de Berlioz par lui-même. Il y note avec prédilection ses compositions du « genre colossal » (Requiem, Symphonie funèbre et triomphale, Te Deum), ou « en style énorme » (l’Impériale).