tendance à remonter vers son principe, au temps où les lois du rythme ne pesaient pas encore sur elle ; il semble qu’elle veuille s’en affranchir, redevenir un discours sans contrainte et s’élever à la hauteur d’une sorte de langue poétique. » Et il cite ce mot d’Ernest Wagner : « Celui qui, dans la musique, se sera soustrait entièrement à la tyrannie de la mesure, et nous en aura délivrés, celui-là aura rendu, tout au moins en apparence, la liberté à cet art[1]… »
Liberté de mélodie surtout. Ces phrases musicales sont fluides et frémissantes comme la vie, et « chaque son, pris isolément, dit encore Schumann, y a une telle intensité, qu’elles ne supportent, comme beaucoup d’anciennes chansons populaires, aucune harmonisation, et que souvent même l’accompagnement nuit à leur ampleur[2] ». Ces mélodies se conforment à l’émotion, au point de rendre les moindres tressaillements de la chair et de l’âme, — avec tour à tour des empâtements vigoureux et un subtil modelé, avec une brutalité grandiose de modulations et un chromatique intense et bruissant, avec des dégradations impalpables d’ombres et de lumières, d’imperceptibles frissons de la pensée, comme des ondes nerveuses qui parcourent
- ↑ Neue Zeitschrift für Musik. Voir Hector Berlioz et Robert Schumann
(trad. franc. Schott, 1879).
Berlioz lutta constamment pour cette liberté du rythme, ces « harmonies de rythmes », comme il dit. Il voulait introduire au Conservatoire une classe de rythme (Mémoires, II, 241). Mais on ne le comprit pas en France. « Sans être aussi arriérée que l’Italie sur ce point, la France est encore le foyer de la résistance aux progrès de l’émancipation du rythme. » (Mémoires, II, 196.) — Ici, de grands progrès ont été réalisés dans la musique, depuis une dizaine d’années.
- ↑ Ibid. « Particularité très rare, ajoute Schumann, et qui distingue presque toutes ses mélodies… » Schumann y voit la raison pour laquelle « Berlioz ne donne le plus souvent pour accompagnement à ses mélodies qu’une simple basse ou des accords de la quinte supérieure et inférieure, — négligeant les voix intermédiaires ».