Enfin il n’est personne qu’il n’irrite ou n’attire, mais qu’en tout cas il ne frappe, par l’impétueuse ardeur de son imagination romantique, flamboyante et exaspérée, qui fait et fera de son œuvre dans l’avenir un des miroirs les plus pittoresques de l’époque, — ce pouvoir délirant d’extase et de désespoir, cette abondance d’amour et de haine, cette ivresse perpétuelle de vie, qui, « au sein de la tristesse la plus profonde, allume les soleils et les serpenteaux de la plus folle joie[1] », qui soulève les foules de Benvenuto, et les armées de la Damnation, qui remue la terre, le ciel, et les enfers, qui ne s’apaise jamais, qui reste dévorante et « passionnée, alors même que le sujet est le contraire de la passion, et qu’il s’agit d’exprimer des sentiments doux, tendres, ou le calme le plus profond[2] ».
Quoi qu’on puisse penser de cette force volcanique, de ce torrent de passion et de jeunesse, il est impossible de les nier : ce serait nier le soleil.
Et je n’insisterai pas davantage sur cet amour de la Nature, qui, comme le montre M. Prodhomme, est l’âme d’une œuvre comme la Damnation, et, l’on peut dire, de toutes ses grandes œuvres. Nul musicien, hors Beethoven, ne l’a jamais aimée aussi profondément. Wagner lui-même n’a pas connu l’intensité des émotions qu’elle
- ↑ Lettre de Berlioz à Ferrand.
- ↑ « Les qualités dominantes de ma musique sont l’expression passionnée, l’ardeur intérieure, l’entraînement rythmique et l’imprévu. Quand je dis expression passionnée, cela signifie expression acharnée à reproduire le sens intime de son sujet, alors même que le sujet est le contraire de la passion et qu’il s’agit d’exprimer des sentiments doux, tendres, ou le calme le plus profond. C’est ce genre d’expression qu’on a cru trouver dans l’Enfance du Christ, et surtout dans la scène du Ciel de la Damnation de Faust et dans le Sanctus du Requiem. » (Mémoires, II, 361.)
niques, produire des effets surprenants avec la matière la moins artistique et la plus vide de la musique… Berlioz est irrévocablement enseveli sous les décombres de ses machines. » (Oper und Drama, 1851.)