avec l’emploi de l’orchestre et à connaître l’accent et le timbre, sinon l’étendue et le mécanisme de la plupart des instruments. Cette comparaison attentive de l’effet produit et du moyen employé à le produire me fit même apercevoir le lien caché qui unit l’expression musicale à l’art spécial de l’instrumentation ; mais personne ne m’avait mis sur la voie. L’étude des procédés des trois maîtres modernes : Beethoven, Weber et Spontini, l’examen impartial des coutumes de l’instrumentation, celui des formes et des combinaisons non usitées, la fréquentation des virtuoses, les essais que je les ai amenés à faire sur leurs divers instruments, et un peu d’instinct, ont fait pour moi le reste[1].
Qu’il ait été un créateur en ce domaine, personne n’en doute. Et personne ne saurait contester, en général, son « habileté diabolique », comme dit dédaigneusement Wagner, qui ne devait pourtant pas être insensible à l’habileté, sa maîtrise de tout le matériel d’expression, sa domination de la matière sonore, qui fait de lui, indépendamment de toute pensée, une sorte de magicien de la musique, de roi des sons et des rythmes. Ce don lui est reconnu, même par ses ennemis, par Wagner, qui cherche, avec quelque perfidie, à y confiner son génie, à le réduire à « un mécanisme dont les rouages sont d’une finesse infinie et d’une extrême rareté,… une merveille de mécanisme[2] ».
- ↑ Mémoires, I, 64.
- ↑ « Berlioz a déployé, en mesurant dans tous les sens les facultés de ce mécanisme, une science véritablement étonnante ; et si les inventeurs de notre mécanique industrielle moderne doivent être considérés comme les bienfaiteurs de l’humanité actuelle, Berlioz mérite d’être considéré comme le vrai rédempteur de notre monde musical ; car, grâce à lui, les musiciens peuvent, par l’emploi extraordinairement varié de simples moyens méca-
je craignis qu’il ne présentât d’énormes difficultés d’exécution, et j’allai, fort inquiet, le montrer à un des trombonistes de l’Opéra. Celui-ci, en examinant la phrase, me rassura complètement : « Le ton de ré bémol est, au contraire, un des plus favorables à cet instrument, me dit-il, et vous pouvez compter sur un grand effet pour votre passage. » (Mémoires, I, 63.)