l’effet matériel que de telles œuvres durent produire, à leur époque. Berlioz est le premier a être terrassé par elles, quand il les entend pour la première fois. À l’Ouverture des Francs-Juges, il pleure, il s’arrache les cheveux, il se roule sur les timbales de l’orchestre en sanglotant. À l’exécution de son Tuba mirum, à Berlin, il est sur le point de s’évanouir. Rien d’analogue à cela dans l’art de son temps. Le plus proche de lui était Weber, et nous avons vu que Berlioz le connut relativement tard. Et combien Weber lui-même, malgré sa poésie rêveuse, nerveuse et brillante, est moins riche et moins complexe ! Comme il est surtout plus mondain, et plus classique malgré tout ! Comme il manque de cet emportement révolutionnaire, de cette brutalité plébéienne ! Comme il est à la fois moins nuancé et moins grandiose ! — Comment Berlioz est-il arrivé, presque du premier coup, à ce génie de l’orchestre ? Il dit lui-même que ses deux maîtres, au Conservatoire, ne lui avaient rien appris en fait d’instrumentation :
Lesueur n’avait de cet art que des notions fort bornées. Reicha connaissait bien les ressources particulières de la plupart des instruments à vent ; mais je doute qu’il ait eu des idées très avancées au sujet de leur groupement par grandes et petites masses.
Il s’instruisit lui-même. Il apportait aux représentations de l’Opéra les partitions des ouvrages qu’on jouait, et il les lisait pendant l’exécution :
Ce fut ainsi, dit-il[1], que je commençai à me familiariser
- ↑ On jugera de cet instinct, par un fait : il écrivit les ouvertures des Francs-Juges et de Waverley, sans bien savoir encore s’il était possible de les exécuter. — « J’étais si ignorant alors du mécanisme de certains instruments, qu’après avoir écrit le solo en ré bémol des trombones, dans l’introduction des Francs-Juges,
allemande de cet ouvrage, et dont certains effets d’orchestre, des plus fameux, ne sont que la réalisation des idées de Berlioz.