du peuple, mais elle se désintéresse de l’âme du peuple, de ce qu’il sent, et de ce qu’il est. Car si quelques compositeurs, de Bizet à M. Saint-Saëns, et de M. Saint-Saëns à M. Vincent d’Indy et à ses disciples, se sont parfois appliqués à bâtir des symphonies, des rhapsodies, ou des morceaux de piano très difficiles sur des thèmes populaires (auvergnats, provençaux, cévenols, etc.), ce n’est là qu’un jeu d’esprit, un passe-temps ingénieux d’artistes raffinés, — quelque chose comme les constructions polyphoniques qu’édifiaient les maîtres flamands du XVe siècle sur des thèmes populaires. En dépit des progrès de l’esprit démocratique, jamais l’art musical — ou, du moins, tout ce qui compte dans l’art — n’a été plus aristocratique qu’aujourd’hui. Sans doute, le phénomène n’est pas spécial à la musique, et tous les arts le présentent plus ou moins ; mais, dans aucun art, il n’est plus dangereux : car aucun n’a des racines moins fortes dans la terre de France. Et ce n’est pas une consolation de se dire qu’on reste dans la grande tradition de l’art français, qui fut presque toujours aristocratique. Les traditions, petites et grandes, sont menacées aujourd’hui : la hache est au pied. Qui veut vivre doit s’adapter aux conditions nouvelles de la vie. Il y va de l’avenir de l’art. À continuer comme on le fait, non seulement on condamne la musique à s’étioler, loin du grand air, mais on risque de la condamner tôt ou tard à disparaître sous le flot montant de ces couches populaires, qu’on maintient dans une sorte de barbarie musicale. Prenons garde que déjà il a fallu défendre la musique[1], attaquée dans telles discussions de nos
- ↑ Tout au moins, certaines formes — les plus hautes — de
la musique.
Discussions à la Chambre des députés, sur le budget des Beaux-Arts, en février 1906. Discours de MM. Théodore Denis, Beauquier et Dujardin-Beaumetz sur la musique religieuse, l’École Niedermeyer et la valeur civique de l’orgue.