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LE RENOUVEAU.

tout la grâce, la beauté plastique. Il voulait que la musique se dégageât de toutes les prétentions littéraires et philosophiques, qui pèsent sur la musique allemande du XIXe siècle (et, peut-être, de toujours), qu’elle s’affranchît de la rhétorique musicale que les siècles nous ont léguée, de cette lourde syntaxe, de ces constructions symétriques, de ces formules harmoniques et rythmiques, de ces exercices d’amplification oratoire. Il voulait que tout en elle fût peinture et poésie, qu’elle exprimât, d’une façon immédiate et transparente, le sentiment tout pur, et que la mélodie, le rythme, l’harmonie, s’épanouissent librement selon leurs lois intimes, et non plus d’après la prétendue logique de constructions intellectuelles. Lui-même, prêchant d’exemple, brisait, dans Pelléas et Mélisande, avec tous les principes du drame de Bayreuth, et il donnait le modèle de l’art nouveau qu’il rêvait. — Autour de lui, les critiques les plus pénétrants et les mieux informés, M. Pierre Lalo, dans le Temps, M. Louis Laloy, dans la Revue Musicale et le Mercure Musical, M. Marnold, au Mercure de France, se faisaient les champions de ces doctrines et de cet art. — La Schola Cantorum elle-même, dont l’esprit éclectique et archaïsant était fort différent pourtant de celui d’un Debussy, semblait d’abord entraînée par le même courant. Elle qui avait tant contribué à propager en France les grandes influences étrangères du passé, elle paraissait n’être pas restée tout à fait insensible aux préoccupations nationalistes des dernières années ; elle s’attachait de plus en plus, — comme c’était d’ailleurs son droit, et même son devoir, — à la musique française du passé ; elle remplissait ses programmes de concerts d’œuvres françaises du XVIIe siècle et du XVIIIes : Marc-Antoine Charpentier, Du Mont, Leclair, Clérambault, Couperin, les primitifs français de l’orgue, du clavecin, du violon, du théâtre, surtout le grand Rameau, qui, après une période d’oubli complet, bénéficia soudain d’une réaction excessive, au