en arriva à développer et grouper en un Poème de la Vie humaine[1] quatre-vingts poésies — grandes odes ou chansons — sur des airs et des chœurs classiques, — vaste répertoire des joies et des douleurs populaires pour toutes les heures importantes de la vie familiale et de là vie publique. Chez les peuples qui ont une longue tradition musicale, comme l’Allemagne, la musique est le véhicule des paroles, elle les imprime dans le cœur. Mais, dans le cas présent, ce sont bien souvent les paroles qui auront fait entrer la musique de Hændel el de Beethoven dans lesprit des écoliers français. L’essentiel, c’est qu’elle y entre, et que dès à présent on entend des Écoles Normales de province exécuter des chœurs de Fidelio, du Messie, du Faust de Schumann, ou
- ↑ Paru en quatre séries : I. De la naissance au mariage ; — II. La Cité ; — III. De l’âge viril jusqu’à la mort : — IV. L’Idéal (1900-1906).
siques, et, en général, ses choix ont été heureux. Avec uu tact sûr, il a été de préférence aux génies populaires, comme Hœndel et Beethoven. — Pouvait-il conserver les paroles ? De toute façon, il fallait hien les traduire. Quant aux sujets, si téméraire qu’il soit de changer l’attribution d’un chef-d’œuvre musical, il est certain que les adaptations intellectuelles de M. Bouchor auront pour résultat d’eufoncer dans la mémoire du peuple de France et de mêler à sa vie d’admirables pensées de Hændel, de Schubert, de Mozart ou de Beethoven, qui, sans cela, n’auraient fait que l’effleurer dans des concerts. Cela suffit à lui donner raison. Que le peuple de France s’enrichisse donc des trésors musicaux de l’Allemagne, en attendant qu’il crée sa propre musique ! Ce sont là conquêtes pacifiques, dont notre art est coutumier. « Là doncques, François, comme disait Du Bellay, marchez courageusement vers cette superbe cité romaine : et des serves dépouilles d’elle (comme vous avez fait plus d’une fois) ornez vos temples et autels… »
Au reste, remarquons que les maîtres allemands du xviiie siècle, dont M. Bouchor démarque les morceaux, ne se gênaient pas pour les démarquer eux-mêmes, et qu’en faisant de la Berceuse de l’Oratorio de Noël une Sainte famille humaine, M. Bouchor est encore beaucoup plus respectueux des intentions musicales de J.-S. Bach que J.-S. Bach lui-même, qui en avait fait un Dialogue d’Hercule et de la Volupté.