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LE RENOUVEAU.

les approprie comme sa propre invention[1]. » Cette prédiction s’est déjà à peu près réalisée. Les chants de M. Boucher sont maintenant la propriété de tout le peuple de France.

L’auteur ne se contenta point d’être le poète du chant populaire : il en fut l’apôtre. Avec une ardeur inlassable, il lit, depuis douze ans, le tour de toutes les Écoles Normales de France, revenant plusieurs fois dans celles où il trouvait de bons éléments vocaux. Dans toutes, il fit exécuter ses chants, à l’unisson, ou à deux ou trois parties, réunissant souvent les deux Écoles Normales de la ville : garçons et filles. Son ambition croissant avec les succès obtenus, il joignit peu à peu aux mélodies populaires[2] des morceaux de musique classique. Pour les mieux faire pénétrer daiis les milieux scolaires et populaire, il changea les paroles existantes, en s’attachant toujours à trouver l’expression morale et poétique qui traduisît le plus exactement l’émotion musicale[3]. Il

  1. Rapport sur les manuscrits réservés par la Commission. (Supplément à la Correspondance générale de l’Instruction primaire, 15 décembre 1894.)
  2. Trois séries de ces Chants populaires pour les Écoles ont déjà paru.
  3. Je réserve mon opinion artistique sur ce démarquage des paroles d’un ctiant. En principe, je le condamne absolument. Mais, en fait, il s’agissait d’être ou de ne pas être. Primum vivere, deinde philosophari. Étant donné que les musiciens contemporains de quelque valeur se désintéressaient totalement de l’honneur d’écrire des chants pour le peuple, — si l’on voulait que le peuple chantât, on n’avait pas le choix : il fallait bien avoir recours aux musiciens d’autrefois ; et même là, le choix était restreint ; la France d’autrefois, comme celle d’aujourd’hui, fournit très peu de musiciens ayant eu le sens d’un grand art populaire. Celui de tous qui peut-être en fut le plus près — Berlioz — n’est i)as encore dans le domaine public ; et l’on ne pouvait par conséquent e servir de ses chants. Il est bien curieux, et assez triste, que sur 80 morceaux choisis par M. Bouchor, il n’y en ait que 9 qui soient français. — (Encore, dans ce nombre, sont comptés comme Français les Italiens Lully et Cherubini.) — M. Bouchor a dû s’adresser presque exclusivement aux maîtres allemands clas-