n’ont que trop de tendances, chez nous, à être séparés.
Puis, ce n’est pas tout de savoir ses lettres : il faut avoir des livres à lire. Quels étaient les livres du peuple ? Les chansons de café concert et les répertoires ineptes des orphéons. La chanson populaire avait presque entièrement disparu, et n’était pas près de renaître : plus encore que l’élite, le peuple rougissait de tout ce qui, de près ou de loin, pouvait sembler populaire[1].
Il y a près de vingt-cinq ans que M. Bourgault-Ducoudray, un des propagateurs du chant choral en France, signalait, dans un rapport sur l’enseignement du chant, l’utilité qu’il y aurait « à faire chanter par les enfants les vieux airs populaires des provinces françaises et à les faire recueillir par les instituteurs ». — En 1895, à la suite d’un concours institué par la Correspondance générale de l’instruction primaire, on répandit dans les écoles de charmants recueils de Chants Populaires, dont les mélodies étaient de vieux airs, recueillis par M. Julien Tiersot, et auxquels M. Maurice Bouchor avait adapté de fraîches et brillantes poésies. — « M. Bouchor, écrivais-je alors, aura un bonheur peu commun aux poètes de nos jours : ses chants s’envoleront au grand air, comme l’alouette de sa Chanson de labour. Il se peut même que le peuple s’y reconnaisse si bien qu’il s’en empare un jour, et se
- ↑ M. Maurice Bouchor raconte cette anecdote typique :
« Le chef d’une bonne chorale d’hommes, que j’avais priée d’exécuter un chœur de Hændel, y mettait je ne sais quoi de mou et d’indécis ; je lui en glissai timidement l’observation, en essayant de faire ressortir ce qu’il y a de franchise et de carrure dans l’idée musicale : — « Ah ! très bien, me dit-il, si c’est ça que vous voulez, c’est facile ; je craignais que ce ne fût trop populaire ». (Poème de la Vie Humaine. Introduction à la deuxième série, 1905.)
À rapprocher de cet autre mot, d’une professeur de chant dans une école primaire supérieure de Paris :
« La mélodie populaire, c’est bon pour la province. » (Cité par Bouchor : Introduction à la première série du Poème, 1902.)