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LE RENOUVEAU.

On fit, à diverses reprises, des tentatives pour fonder un Théâtre Lyrique Populaire. Mais, jusqu’à ces dernières années, aucune ne réussit. Les premiers essais datent de 1847. L’ancien Théâtre-Lyrique de M. Carvalho, qui donna pourtant des représentations mémorables, comme celles du Faust de Gounod et de l’Orphée de Gluck, avec Mme Viardot comme interprète et Berlioz comme chef d’orchestre, eut des résultats financiers très médiocres. Les directeurs qui suivirent : Réty, Pasdeloup, etc., ne réussirent pas mieux. En 1875, Vizentini s’installa à la Gaîté, avec une subvention de 200 000 francs et d’excellents artistes : il dut quitter la place. Depuis, d’innombrables projets furent présentés par Viollet-le-Duc, Guimet, Lamoureux, Melchior de Vogüé et Julien Goujon, Gabriel Parisot, Colonne et Milliet, Deville, Lagoanère, Corneille, Gailhard, Carré, sans jamais aboutir. En ce moment, on fait un nouvel essai, et, cette fois, l’affaire paraît se présenter avec toutes les garanties de succès.

Mais, quelle que soit la valeur éducatrice du théâtre et des concerts, ils ne suffisent point au peuple ; ils ne se suffisent même point à eux-mêmes. Pour que leur action soit profonde et durable, il faut qu’elle se combine avec celle de l’école. La musique, pas plus qu’aucune des expressions de la pensée, ne veut des illettrés.

Ici, tout était à faire. Il n’y avait pas d’autre enseignement populaire que celui des nombreuses écoles Galin-Paris-Chevé. Elles ont rendu de grands services, et continuent d’en rendre ; mais leur méthode simplifiée n’est pas sans inconvénients et sans lacunes ; elle a d’ailleurs pour raison d’être d’apprendre au peuple une langue musicale différente de celle de l’élite ; et, bien qu’il ne soit pas aussi difficile qu’on l’a dit de passer de la connaissance de l’une à la connaissance de l’autre, c’est toujours un tort d’élever une barrière nouvelle — si faible soit-elle — entre une élite et un peuple qui