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MUSICIENS D’AUJOURD’HUI.

Il a raconté lui-même l’histoire de son œuvre[1]. Il était ingénieur, sorti de l’École Polytechnique ; et il avait formé avec quelques camarades, dès ses années d’École (vers 1860), un quatuor d’amateurs convaincus, mais peu virtuoses ; cette petite société continua à se réunir régulièrement, et, se perfectionnant peu à peu, elle ouvrit l’accès de ses séances à un public de plus en plus nombreux : ce fut le point de départ de la Trompette. Elle prospéra, du jour où M. Saint-Saëns, jeune alors, la connut, se plut dans ce milieu, et devint un ami intime de Lemoine ; il intéressa à la Trompette et lui amena le concours des artistes les plus renommés. Parmi ces amis de la première heure étaient MM. Alphonse Duvernoy, Diémer, Pugno, Delsart, Breitner, Delaborde, Ch. de Bériot, Fissot, Marsick, Loëb, Rémy, Holmann. Ainsi patronnée, la Trompette acquit bientôt une renommée dans le monde musical, et « elle répondit, pour la musique classique de chambre, au rôle quasi officiel de la Société des Concerts du Conservatoire pour la musique classique d’orchestre. Rubinstein, Paderewski, Eugène d’Albert, Hans de Bûlow, Arthur de Greef, Mme Essipoff, Mme Menter, ne manquaient jamais de s’y faire entendre, dans leurs tournées à Paris ; et ce devint comme la consécration d’un artiste, de figurer à un programme de la Trompette. » Une telle société devait naturellement contribuer beaucoup à la diffusion de la musique classique de chambre à Paris.


La musique classique, écrit M. Lemoine, était si peu connue du public musical que même celui de la Trompette, qui était un public d’élite, ne comprenait pas du tout les derniers quatuors de Beethoven ; et mes amis me raillaient de mon goût pour les énigmes. D’autant plus donnais-je


    de lui : « Qu’est-ce qu’il avait donc, cet homme ? Il avait tout, et les autres n’ont rien ! »

  1. Revue Musicale, 15 octobre 1903.