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LE RENOUVEAU.

que la musique religieuse fût la première à bénéficier de son action. Aussi ne fut-il d’abord question dans les premiers manifestes de la Schola Cantorum que d’une réforme de la musique sacrée, en la ramenant aux grands modèles anciens[1]. La première règle était celle-ci : « Le chant grégorien devra rester, pour tous les temps, la source et la base de la musique d’Église, et constituera ainsi l’unique règle pour la juger sainement[2] ». — On y ajoutait toutefois la musique alla Palestrina, et celle qui se conforme à ces principes et s’inspire de cesexemples. — Des idées aussi archaïques ne pouvaient évidemment pas créer une nouvelle musique religieuse ; mais elles ont du moins contribué à restaurer l’art ancien ; et elles ont reçu leur consécration officielle dans le fameux Bref du pape Pie X, réformant la musique sacrée.

Toutefois un idéal d’action artistique aussi restreint que celui-ci n’eût pas suffi à assurer le succès de la Schola Cantorum, ni à établir son autorité sur un public, resté, quoi qu’on en dît, médiocrement religieux, et que l’art religieux d’autrefois ne pouvait intéresser que par mode, un instant. L’esprit de curiosité et le sens de la vie moderne l’emportèrent peu à peu sur les principes.

  1. « La Schola Cantorum a pour but de créer une musique moderne vraiment digne de l’Église. » — (Premier numéro de la Tribune de Saint-Gervais, bulletin mensuel de la Schola Cantorum, janvier 1895.)
  2. La Schola s’appuyait ici sur le puissant travail accompli, depuis cinquante ans, en silence, par les Bénédictins français de l’abbaye de Solesmes, et sur la restauration du chant grégorien, commencée de 1850 à 1860 par Dom Guéranger, premier abbé de Solesmes, — continuée par Dom Jausions et Dom Pothier, abbé de Saint-Wandrille, qui publia en 1883 les Mélodies Grégoriennes, le Liber Gradualis, le Liber Antiphonarius, — reprise enfin et menée à bonne fin par Dom Schmitt et Dora Mocquereau, prieur de Solesmes, qui commença en 1889 sa monumentale publication de la Paléographie Musicale, dont neuf tomes avaient paru en 1906. Cette grande école bénédictine a été la gloire de la musicologie française de notre temps. Elle est à présent exilée de France.