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LE RENOUVEAU.

préoccupa jamais d’agir sur le grand public, et en resta presque ignorée.

Après Fessai de Lamoureux, en 1873, pour exécuter les grandes œuvres chorales de Bach et de Hœndel, le plus célèbre organiste français, M. Alexandre Guilmant, entreprit de donner au Trocadéro, depuis 1878, des concerts d’orgue et d’orchestre, consacrés aux maîtres religieux du xviie et du xviiie siècle. Mais la déplorable acoustique de la salle de concerts ne nuisit pas peu à l’effet des œuvres qu’il interprétait ; et le public, qui répondit médiocrement à son appel, ne sembla trouver d’abord qu’un intérêt historique à ces chefs-d’œuvre, dont la vie profonde lui échappait.

Enfin, un élève de Franck, M. Henry Expert, qui commençait en 1882 ses admirables publications d’histoire musicale, jeta, en 1884, les fondements d’une Société J.-S. Bach pour répandre la connaissance de l’ancienne musique, du xiie au xviiie siècle. Il avait réussi à intéresser à son entreprise non seulement les principaux musiciens français, comme César Franck, Saint-Saëns, Gounod, mais aussi ceux de l’étranger : Hans de Bülow, Tschaikowski, Grieg, Sgambati, Gevaert. Malheureusement, cette Société, qui était une sorte de première esquisse des plans réalisés plus tard par Charles Bordes, resta à l’état de projet.

Le grand public ne commença vraiment à être touché par l’art ancien que du jour où l’Association des Chanteurs de Saint-Gervais fut fondée, en 1892, par Charles Bordes, maître de chapelle de cette église. Le succès immédiat et la bruyante renommée de cette œuvre ne furent pas seulement dus au talent du directeur, qui unissait à une vive et souple intelligence artistique un sens pratique, une activité, et des dons d’organisation supérieurs ; il faut aussi les attribuer à un ensemble de circonstances favorables : avant tout, à cette lassitude du wagnérisme, dont je viens de parler ; puis, à la naissance d’une nou-