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MUSICIENS D’AUJOURD’HUI.

sérieuse, réfléchie, que le théâtre attirait moins, et davantage la musique pure. À cette génération appartenaient César Franck et M. Saint-Saëns. Elle était possédée de l’ardent désir de fonder un art national. La guerre de 1870 vint raviver ces pensées ; et de là sortit, en pleine guerre, la Société Nationale de Musique.

C’est avec respect qu’il faut parler de la Société Nationale, qui fut vraiment le berceau et le sanctuaire de l’art français[1]. Tout ce qu’il y a eu de grand dans la musique française, de 1870 à 1900, a passé par là. Sans la Société Nationale, la plupart des œuvres qui sont l’honneur de notre musique non seulement n’auraient pas été exécu-. tées, mais peut-être même n’auraient pas été écrites. Elle a eu le rare mérite de devancer toujours de dix ou quinze ans l’opinion publique, que du reste elle forma, et qu’elle contraignit à honorer ceux que, la première, elle avait reconnus grands.

Les deux premiers fondateurs de la Société furent Romain Bussine, professeur de chant au Conservatoire, et M. Camille Saint-Saëns. Sur leur initiative, le 25 février 1871, César Franck, Ernest Guiraud, Massenet, Garcin, Gabriel Fauré, Henri Duparc, Théodore Dubois, et Taffanel, se joignant à eux, convinrent de fonder une société de musique, pour y faire entendre exclusivement les œuvres des compositeurs français vivants. Les premières séances furent interrompues par les événements de la Commune, et rouvrirent en octobre 1871. Les statuts primitifs furent rédigés par Alexis de Castillon, officier et compositeur de talent, qui, après avoir pris part à la guerre de 1870, à la tête des mobiles d’Eure-et-Loir, fut un des fondateurs de la musique française de chambre, et mourut prématurément,

  1. Les notes qui suivent ont été prises d’après les archives de la Société Nationale de Musique, que M. Pierre de Bréville, secrétaire de la Société, a bien voulu me confier. — Voir aussi, dans la Revue S. I. M. (décembre 1912), les Souvenirs de la Société Nationale, publiés par M. Henri Duparc.