se prête mal aux drames musicaux modernes, qui sont intimes, concentrés, et se trouvent comme perdus dans ces immenses espaces, faits pour des cortèges d’apparat, comme la marche du Prophète, ou celle d’Aïda ; — sans doute, le jeu conventionnel de la plupart des chanteurs, la stupide apathie des chœurs, la froideur de l’orchestre, l’acoustique défectueuse, et les trop vastes dimensions de la salle, qui obligent les acteurs aux cris et aux gestes exagérés, — sont-ils de sérieux obstacles à ce qu’un art plus vivant et plus simple y soit compris. Mais le principal obstacle est et sera toujours dans l’essence même d’un tel théâtre : — théâtre de luxe et de vanité, créé pour une clientèle de snobs, dont le moindre souci est la musique, et qui n’a même pas le mérite de créer une mode, mais qui suit servilement toutes les modes, quand elles sont vieilles de trente ans. Un tel théâtre ne compte plus dans l’histoire de la musique française ; et il faudra à ses nouveaux directeurs beaucoup d’énergie et d’ingéniosité pour faire rentrer un semblant de vie dans ce colosse mort.
Il en est tout autrement du théâtre de l’Opéra-Comique. Il a su prendre une part active à révolution contemporaine de la musique. Sans renier sa tradition classique, sans renoncer à son charmant répertoire d’anciens opéras-comiques, il a eu l’intelligence, sous la direction avisée de M. Albert Carré, de s’ouvrir à toutes les manifestations intéressantes de la musique dramatique. Il ne prend pas parti entre les diverses écoles ; et les représentants attardés du vieil opéra-comique à couplets coudoient les chefs des écoles avancées. Il n’est guère d’œuvre importante, non seulement parmi les comédies musicales, mais parmi les drames musicaux de ces vingt dernières années, qui n’y ait été exécutée. Dans ce théâtre, qui vit en 1875. la première de Carmen, en 1884 celle de Manon, et en 1888