Page:Rolland - Musiciens d’aujourd’hui.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
MUSICIENS D’AUJOURD’HUI.

toutefois cette justice qu’en général il ne l’a pas gêné. Si l’esprit académique a trop souvent annihilé l’enseignement d’excellents professeurs, en fixant comme but unique à leurs efforts et à ceux de leurs élèves les concours académiques, il a presque toujours régné dans la maison un certain libéralisme (dû, pour une bonne part, à l’indifférence) qui a permis aux tempéraments les plus indépendants de s’y développer en paix, — depuis Berlioz jusqu’à M. Ravel. On doit lui en savoir gré. Toutefois, ce sont là des mérites trop négatifs pour valoir au Conservatoire une place éminente dans l’histoire musicale de la Troisième République ; et ce n’est que depuis la direction toute récente de M. Gabriel Fauré qu’il s’efforce, non sans peine, de reprendre sa place, qu’il avait abandonnée, et que d’autres ont prise, à la tête de l’art français.

La Société des Concerts du Conservatoire, fondée en 1828, sous la direction de Habeneck, a eu son heure de gloire dans l’histoire musicale de Paris. C’est par elle que la grandeur de Beethoven fut révélée à la France[1]. C’est au Conservatoire que furent données, d’abord, les premières grandes œuvres de Berlioz : la Fantastique, Harold, Roméo et Juliette. C’est là que, plus près de nous, furent jouées pour la première fois la Symphonie avec orgue de M. Saint-Saëns et la Symphonie de César Franck. Mais longtemps le Conservatoire sembla prendre son nom trop à la lettre, et se restreindre au rôle de musée pour la musique classique. Dans ces dernières

  1. Il est à noter que, dès 1807, les élèves du Conservatoire faisaient connaître aux Parisiens les symphonies de Beethoven. La Symphonie en ut mineur fut exécutée par eux en 1808, l’Héroïque en 1811. C’est à propos d’une de ces auditions que les Tablettes de Polymnie donnaient cette curieuse appréciation de Beethoven, citée par M. Constant Pierre : « Cet auteur, souvent bizarre et baroque, tantôt prend le vol majestueux de l’aigle, tantôt rampe dans des sentiers rocailleux. Il semble qu’on voie renfermer ensemble des colombes et des crocodiles. »