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LE RENOUVEAU.

Le Conservatoire national de Musique et de Déclamation, qui date des dernières années de l’Ancien Régime, et de la Révolution, était tout désigné par ses origines patriotiques et populaires pour servir la cause de l’art national et du libre progrès[1]. Il a été pendant longtemps la clef de voûte de l’édifice musical de Paris. Mais, bien qu’il n’ait jamais cessé d’avoir un grand nombre de professeurs illustres et dévoués, parmi lesquels il s’honore — un peu tard — d’avoir compté le fondateur de la jeune école française. César Franck, — bien que la plupart des artistes qui ont un nom dans la musique française aient passé par son enseignement, et que la liste des lauréats de Rome sortis de ses classes de composition comprenne presque tous les chefs du mouvement artistique d’aujourd’hui, dans toutes ses tendances diverses, — depuis M. Massenet jusqu’à M. Bruneau, et depuis M. Charpentier jusqu’à M. Debussy, — cependant, ce n’est un secret pour personne que, depuis 1870, l’action officielle du Conservatoire à l’égard de ce mouvement a été à peu près nulle[2]. Il faut lui rendre

  1. On sait que le Conservatoire est sorti de l’École gratuite de musique de la garde nationale parisienne, fondée en 1792 par Sarrette, et dirigée par Gossec, — école essentiellement civique et militaire, qui fut transformée le 8 novembre 1793 en Institut national de musique, et le 3 août 1795 en Conservatoire, sur rapport de Ghénier. Ce Conservatoire républicain avait pour première mission de rester en contact avec l’esprit du pays ; il s’opposait nettement à l’Opéra, d’origines monarchiques.

    Voir l’ouvrage de M. Constant Pierre sur le Conservatoire national de musique (1900), et le livre très intéressant de M. Julien Tiersot sur les Fêtes et les Chants de la Révolution française (1908).

  2. Il est bien entendu que je ne parle ici que de l’action officielle. Car il y a toujours eu, dans le corps enseignant du Conservatoire, des maîtres, unissant à une haute culture musicale un libéralisme d’esprit vraiment large et vivant. Mais l’influence de ces indépendants est faible, en général : car ils ne disposent pas des succès académiques ; ou, quond, par exception, elle a eu un vaste rayonnement, comme celle de César Franck, c’est à titre personnel, en dehors du Conservatoire, et bientôt contre lui.