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MUSICIENS D’AUJOURD’HUI.

une École Supérieure de Musique, sous la direction du plus illustre des élèves de Franck, M. Vincent d’Indy. Cette école, basée sur une solide connaissance, non seulement des classiques, mais des primitifs de la musique, prit, dès son origine, en 1900, un caractère franchement national, et, dans une certaine mesure, en opposition avec l’art allemand. En même temps, des auditions de plus en plus fréquentes de J.-S. Bach et de l’ancienne musique du xviie et du xviiie siècles, des relations plus intimes avec les artistes des autres pays, les visites réitérées en France des grands Kapellmeister, des virtuoses et des compositeurs étrangers, surtout de Richard Strauss, et tout dernièrement des compositeurs russes, achevaient de faire l’éducation musicale du public parisien, qui, chapitré par ses critiques, sentait s’éveiller en lui la conscience de sa personnalité nationale, et le désir impatient de s’affranchir de la tutelle germanique. Tour à tour, il salua d’acclamations reconnaissantes le Rêve de M. Bruneau (1891), Fervaal de M. d’Indy (1898), Louise de M. Gustave Charpentier (1900), qui lui apparaissaient comme des œuvres libératrices. Mais, en fait, ces drames lyriques étaient encore bien loin d’être dégagés complètement des influences étrangères, et spécialement wagnériennes. Le Pelléas et Mélisande de M. Debussy sembla plus justement marquer, en 1902, la date de l’émancipation véritable de la musique française. À partir de ce moment, elle se considéra comme définitivement sortie de l’école, et prétendit à fonder un art nouveau, reflétant le génie de la race, et plus libre, plus souple que l’art wagnérien. Ces théories, reprises et amplifiées par la presse, aboutirent, un peu vite, à la conviction des artistes français dans la supériorité musicale de la France. Cette conviction est-elle justifiée ? C*est ce que l’avenir dira. Mais on voit, par le rapide exposé qui précède, combien l’évolution de l’esprit musical en France, depuis 1870, est logique, malgré les