français pendant dix ou quinze ans[1]. Une ardente propagande musicale, par les concerts, pénétrait la foule. La jeunesse intellectuelle était gagnée. C’est là le service capital rendu par le wagnérisme à l’art français qu’il a intéressé le grand public à la musique. Mais, en se prolongeant, son influence tyrannique risquait d’étouffer celle-ci.
Aussi, dès 1890, s’esquisse timidement un mouvement de réaction contre son despotisme. Le grand vent d’Est commence à tomber. Il tourne au Nord. Des influences Scandinaves et russes s’annoncent déjà. Un engouement exagéré pour Grieg (si limité qu’il fût à un petit groupe) était un indice de la saute du goût public. En 1890, César Franck mourut à Paris. Belge de naissance et de tempérament. Français de cœur et d’éducation musicale, il était demeuré en dehors du mouvement wagnérien, dans sa solitude sereine et féconde. À la séduction exercée par son génie personnel et sa grandeur morale sur le petit groupe d’amis qui l’avaient connu et vénéré, s’ajoutait l’autorité de sa science ; en face de l’art wagnérien, il ressuscitait inconsciemment l’âme de Jean-Sébastien Bach, l’âme infiniment riche et profonde du passé. Par là, il se trouva être chef d’école, sans l’avoir voulu, et le plus grand éducateur de la musique française contemporaine. Après sa mort, son nom fut le mot de ralliement de la jeune école. Depuis 1892, les Chanteurs de Saint-Gervais, dirigés par M. Charles Bordes, remirent en honneur et popularisèrent la musique grégorienne et palestrinienne ; et, sur l’initiative de leur directeur, la Schola Cantorum fut fondée en 1894 pour restaurer la musique religieuse. Puis, l’ambition grandissant avec le succès, de la Schola sortit bientôt
- ↑ Son influence marque, à des degrés divers, des œuvres comme le Sigurd de M. Reyer (1884), la Gwendoline de Chabrier (1886) et le Chant de la Cloche de M. Vincent d’Indy (1886).