pénétrer le sentiment musical, est Charles Baudelaire. En 1861, Pasdeloup donna au Cirque d’Hiver les premiers Concerts populaires de musique classique. Le festival Berlioz, organisé à l’Opéra par M. Reyer, le 23 mars 1870, — un an après la mort de Berlioz, — révélait à la France la grandeur de son plus génial musicien, et inaugurait une campagne de réparation publique envers sa mémoire.
Les désastres de la guerre de 1870 régénérèrent l’esprit artistique de la nation. La musique en sentit les effets immédiats[1]. Dès le 24 février 1871, se constituait la Société nationale de musique, pour propager les œuvres des compositeurs français ; et, en 1873, furent fondés les Concerts de l’Association Artistique, dirigés par M. Colonne, qui, tout en répandant la connaissance des symphonistes classiques et des maîtres de la jeune école française, se consacrèrent surtout au triomphe de Berlioz, dont la gloire atteignit son apogée vers 1880[2]. À cette époque, commence à son tour la conquête wagnérienne. Elle fut menée surtout par M. Lamoureux, dont les concerts s’ouvrirent en 1882. Le wngnérisme fit faire au goût
- ↑ Je tiens à bien marquer, dès le début de cette étude, que je n’étudie ici que les grands courants musicaux de la nation, et que je laisse de côté les œuvres qui n’ont pas eu une influence importante sur ce mouvement.
- ↑ Dans l’intervalle, la France avait vu briller et s’éteindre un grand artiste, le plus spontané de tous ses musiciens : Georges Bizet, mort en 1875, à trente-sept ans, — « Bizet, le dernier génie qui ait vu, dit Nietzsche, une nouvelle beauté ; Bizet, qui a découvert une terre nouvelle : le Midi de la musique ». — Carmen (1875) et surtout l’Artésienne (1872) sont les chefs-d’œuvre du drame lyrique latin. Le style en est lumineux, concis, définitif ; le dessin des figures est tracé avec une justesse incisive. Cette musique, pleine de soleil et d’action, qui retrempe aux sources populaires son aristocratique distinction, fait contraste avec les symphonies philosophiques de Wagner. F’ar son naturel même et la claire conscience qu’elle avait du génie de sa race, elle était bien en avance sur son temps. Quelle place n’eût pas prise Bizet à la tête de notre art, s’il avait vécu vingt ans de plus !