plus ou moins bien douées en musique. Mais, le plus souvent, les différences de races sont des différences de siècles ; et tel peuple paraît grand ou médiocre en art, suivant qu’on le considère à tel ou tel moment de son histoire. De même que l’Angleterre fut une nation musicienne jusqu’à la révolution de 1688, la France fut, au XVIe siècle, le plus grand peuple musicien ; et les récentes publications de M. Henry Expert ont permis d’entrevoir l’abondance, l’originalité et la perfection de l’art franco-belge, pendant la Renaissance. Sans remonter aussi loin, Paris était encore une ville très bien douée au point de vue musical, sous la Restauration, lors des premières exécutions des symphonies de Beethoven au Conservatoire, des premières grandes œuvres de Berlioz, et de l’Opéra Italien. Il faut voir dans les Mémoires de Berlioz quel enthousiasme, quelles larmes, quelle passion provoquaient les représentations de Gluck ou de Spontini ; et l’on aperçoit nettement, dans ce livre, que cette ardeur musicale dura jusque vers 1840, puis qu’elle s’éteignit peu à peu, et qu’une apathie presque complète luisuccéda, pendant vingt ans. Berlioz en souffrit cruellement. On peut dire qu’il mourut, étouffé par l’indifférence générale. C’était alors le règne de Meyerbeer à l’Opéra. Rien ne montre mieux l’incroyable affaiblissement du sentiment musical en France, de 1840 à 1870, que la littérature romantique et naturaliste, qui est une des plus hermétiquement closes qui aient jamais été au sens de la musique. Tous ces artistes sont des « visuels », pour qui la musique n’est qu’un bruit. On prête à Hugo ce mot sur l’Allemagne, « que son infériorité se mesure à la supériorité même qu’elle a dans la musique[1]. ». Dumas père détestait
- ↑ Il faut rendre cette justice à Hugo, qu’il a toujours parlé de Beethoven avec dévotion, — sans le connaître d’ailleurs. — Mais il ne l’exalte tant que pour diminuer l’importance d’un poète, le seul du XIXe siècle, dont la gloire fit ombrage à la sienne ; et