toutes deux, des fleurs les plus parfaites de l’esprit français. Tous ceux qui, à l’étranger, ont la curiosité de la France, et le désir de pénétrer son génie, devront étudier Pelléas et Mélisande, comme ils étudieraient Bérénice de Racine.
Non pas que l’art de Debussy, pas plus que celui de Racine, suffise à représenter le génie français. Il y a un tout autre côté de ce génie, qui n’est nullement représenté ici : c’est l’action héroïque, l’ivresse de la raison, le rire, la passion de la lumière, la France de Rabelais, de Molière, de Diderot, et, en musique, dirons-nous — (faute de mieux), — la France de Berlioz et de Bizet. Pour dire la vérité, c’est celle que je préfère. Mais Dieu me garde de renier l’autre ! C’est l’équilibre de ces deux Frances qui fait le génie français. Dans notre musique contemporaine, Pelléas et Mélisande est à l’un des pôles de notre art, Carmen, à l’autre pôle. Celle-ci, tout en dehors, toute lumière, toute vie, sans ombres, sans dessous. L’autre, tout intérieure, toute baignée de crépuscule, tout enveloppée de silence. C’est ce double idéal, ce sont ces alternatives de soleil fin et de brume légère, qui font le doux ciel lumineux et voilé d’Île-de-France.