arts qui concourent à le former ; nous demandons que la balance soit tenue égale entre la poésie et la musique ; et, si leur équilibre devait être rompu, nous préférerions toujours que ce fût au profit de la poésie, cette musique plus consciente et plus raisonnée. C’était l’idéal de Gluck ; et c’est pour l’avoir si bien réalisé qu’il a conquis sur le grand public français un prestige que rien ne peut effacer. C’est pour être revenu, avec des moyens nouveaux, à cet idéal de sobriété musicale et de désintéressement, qui met le génie du compositeur au service du drame, que Debussy a été si fort. Il n’a point cherché à dominer le poème de Maeterlinck, à l’engloutir sous les flots de sa musique ; il s’est assimilé à lui, au point qu’à l’heure présente aucun Français ne serait plus capable de penser à une page du drame, sans que la musique de Debussy chante aussitôt en lui.
À toutes ces raisons extérieures à la musique, qui font l’importance de l’œuvre dans l’histoire du théâtre, s’ajoutent enfin des raisons purement musicales, dont la valeur est plus considérable encore[1]. Pelléas et Mélisande a réalisé une réforme de la musique dramatique en France. Cette réforme a porté sur plusieurs points :
Sur le récitatif, d’abord. — Nous n’avons jamais eu en France — à part quelques essais de notre ancien opéra-comique — un récitatif qui traduisît exactement notre parler naturel. Lully et Rameau avaient pris pour modèle la déclamation ampoulée de la tragédie de leur temps. L’opéra français des vingt dernières années avait choisi un modèle plus dangereux encore et plus éloigné du parler national : la déclamation de Wagner, avec ses grands sauts de voix et ses accentuations rebondissantes et massives. Rien de plus déplaisant en français. Tous les gens de goût en souffraient, sans se
- ↑ Pour les musiciens. — Mais je suis convaincu que, pour la masse du public français, les autres raisons ont compté, — comme toujours, — bien davantage.