Parmi les causes morales, je noterai surtout une forme de la pensée, qui n’est pas spéciale à la France, mais qui est commune à une partie de l’élite européenne d’à présent, et qui a trouvé son expression dans Pelléas et Mélisande. L’atmosphère où se meut le drame de Mæterlinck est un abandon mélancolique de la volonté de vivre à la Fatalité. Rien ne peut rien changer à l’ordre des événements. En dépit des illusions de l’orgueil humain qui se croit le maître, des forces inconnues et irrésistibles mènent, d’un bout à l’autre, la tragique comédie de la vie. Nul n’est responsable de ce qu’il veut, de ce qu’il aime ; tout au plus si l’on sait ce qu’on veut, ce qu’on aime. On vit, on meurt, sans savoir pourquoi.
Ces pensées fatalistes, où se reflète la lassitude d’une aristocratie intellectuelle de l’Europe, ont été merveilleusement traduites en musique par Debussy, qui y a ajouté sa poésie propre et un charme sensuel, dont la griserie rend leur contagion plus irrésistible. Il y a dans toute musique un pouvoir d’ivresse. Celle-ci entraîne l’âme dans le vertige d’un renoncement voluptueux.
Les causes artistiques ont un caractère plus spéciacialement français. La victoire de Pelléas et Mélisande marque une réaction légitime, naturelle, fatale, — je dirai même : vitale — du génie français contre l’art étranger, surtout contre l’art wagnérien, et contre ses maladroits représentants en France.
Le drame wagnérien répond-il, d’une façon parfaite, au génie allemand ? Je n’en crois rien ; mais c’est là une question que je laisse à débattre aux musiciens allemands. Pour nous, ce que nous avons le droit d’affirmer, c’est que le drame wagnérien ne répond en rien à l’es-