tous ses efforts pour se concentrer en lui-même ; il n’y en a presque aucune chez Strauss, bien qu’il soit le plus intéressant des trois. Ils n’ont plus aucune profondeur.
J’ai dit que j’attribuais ce fait à la détestable influence du théâtre, auquel presque tous ces artistes sont attachés, comme Kapellmeister, directeurs d’opéra, etc. Ils lui doivent le caractère souvent mélodramatique, ou du moins toutextérieur, de leur musique, — musique de parade, qui vise constamment à l’effet.
Plus funeste encore que l’influence du théâtre est l’influence du succès. Ces musiciens ont maintenant trop de facilités à se faire jouer. Une œuvre est exécutée, à peine écrite. Plus d’isolement, de longs silences, d’années vécues avec l’œuvre. Ajoutez que, quelle qu’elle soit, elle est aussitôt soutenue de la formidable réclame organisée autour des principaux artistes allemands par leurs Musikfeste, par leurs critiques, leur presse, leurs « guides musicaux » (Musikführer), — ces explications apologétiques de leurs œuvres, répandues par milliers, et qui donnent le ton au public moutonnier. — D’où la facilité pour le musicien à se contenter lui-même. La première idée venue est acceptée par lui. Quelle différence avec Beethoven, forgeant toute sa vie les mêmes thèmes, remettant vingt fois sur l’enclume ses mélodies, avant qu’elles parvinssent à la forme définitive ! C’est bien là ce qui manque à un Mahler. Ses thèmes ont l’aspect un peu vulgaire de certaines idées de Beethoven, dans ses premières esquisses. Mais il en reste là.
Enfin, je veux dire le plus grand danger qui menace la musique en Allemagne : — il y a trop de musique en Allemagne. — Ce n’est pas un paradoxe. Je ne crois pas qu’il y ait un pire malheur pour l’art que la surabondance déréglée de l’art. La musique noie les musiciens. Les fêtes succèdent aux fêtes. Au lendemain de ces fêtes strasbourgeoises commençaient les fêtes de Bach, à Eisenach ; puis, à la fin de la semame, les fêtes de