m’a, plus que toute autre de ses œuvres, persuadé qu’il y aurait urgence pour lui à recourir à ce parti. Mahler s’est privé, dans cette composition, de l’emploi des chœurs, qui étaient un des principaux attraits de ses précédentes symphonies. Il a voulu prouver qu’il était capable d’écrire de la musique pure ; et, pour mieux l’affirmer, il s’est refusé, comme les autres compositeurs qui prenaient part aux fêtes, à laisser publier dans le programme du concert une explication de son œuvre : il a donc voulu qu’on la jugeât d’un point de vue strictetement musical. L’épreuve était dangereuse pour lui.
Malgré tout le désir d’admirer que j’apporte à l’audition d’une œuvre nouvelle, dont j’estime l’auteur, il m’est impossible de trouver que cette épreuve lui ait été favorable. La Cinquième Symphonie est d’une longueur excessive, — elle dure une heure et un quart, — sans qu’aucune nécessité intérieure justifie ces dimensions : elle vise au colossal et, le plus souvent, elle est vide. Les motifs sont archiconnus. Après une marche funèbre, d’un caractère poncif et d’un mouvement tempétueux, où Beethoven semble assagi par Mendelssohn, vient un scherzo, ou plutôt une valse viennoise, où Chabrier donne la main au vieux Bach. L’adagietto a une sentimentalité douceâtre. Le rondo de la fin s’annonce comme une idée de Franck : c’est le meilleur morceau ; il est emporté dans une ivresse tourbillonnante, où un choral s’élève au milieu d’éclats de joie ; mais il se perd dans des répétitions qui l’alourdissent et qui l’étouffent. Il y a dans toute l’œuvre un mélange de rigueur pédante et d’incohérence ; du décousu, des arrêts brusques qui coupent le développement, des idées parasites qui l’interrompent sans raison musicale, des interruptions de vie.
Surtout, je crains que Mahler ne subisse fâcheusement l’hypnotisme de la force, qui affole aujourd’hui tous les artistes allemands. Il me paraît une âme incer-