Soit ! Prenons-en notre parti. Le passé est passé. Laissons Beethoven et Mozart, et parlons de Mahler et de Strauss.
Gustav Mahler a quaranfe-six ans[1]. Il a le type légendaire d’un de ces musiciens allemands, à la Schubert, qui tiennent du maître d’école et du pasteur : une longue figure rasée, des cheveux ébouriffés sur un crâne pointu, le front dégarni, les yeux clignotant derrière des lunettes, le nez fort, la bouche grande aux lèvres minces, les joues creusées, l’air ascétique, ironique et ravagé. Il est d’une nervosité excessive, et des caricatures, en ombres chinoises, ont popularisé en Allemagne sa mimique de chat convulsé, au pupitre de chef d’orchestre.
Né à Kalischt, en Bohême, élève d’Anton Bruckner, à Vienne, il est Hofoperndirektor (directeur de l’Opéra) de Vienne. Je compte, quelque jour, étudier plus en détail l’œuvre de cet artiste, le premier compositeur d’Allemagne après Strauss, et le principal représentant de la musique de l’Allemagne du Sud.
La partie la plus importante de cet œuvre est la suite de ses Symphonies, dont il dirigeait la cinquième au festival de Strasbourg. La première, intitulée Tilariy date de 1894. Ce sont des constructions énormes, massives, cyclopéennes ; les mélodies sur lesquelles ces œuvres sont bâties, sont des blocs mal dégrossis, de qualité médiocre, banale, imposants seulement par l’épaisseur de leurs assises, et par la répétition obstinée des dessins rythmiques, maintenus avec la ténacité d’idées fixes. Ces amoncellements de musiques, savants et barbares, avec des harmonies à la fois grossières et
- ↑ Écrit en 1905.