Telles étaient donc les conditions du combat : elles étaient, qu’on l’eût voulu ou non, défavorables à la France. Et pourtant, le résultat, aux yeux d’un observateur impartial, était plein d’encouragements et d’espérances pour nous.
Je n’ai jamais été préoccupé, en art, des questions de nationalité. Je n’ai même jamais caché mes préférences pour la musique allemande ; et je considère, encore aujourd’hui, Richard Strauss comme la première personnalité musicale de l’Europe. J’en suis plus libre pour dire l’impression singulière que j’ai eue, au Musikfest de Strasbourg, du revirement qui s’opère dans la musique : l’art français, silencieusement, est en train de prendre la place de l’art allemand.
« … Wälschen Dunst und wälschen Tand… » Combien cette parole injurieuse semblait déplacée, tandis qu’on écoutait la loyale pensée de César Franck ! Il n’y a dans les Béatitudes rien, ou presque rien pour l’art. C’est l’âme qui parle à l’âme. Comme Beethoven l’écrivait à la fin de sa Messe en ré : « Vom Herzen… zu Herzen ! » (« Venue du cœur, qu’elle aille au cœur ! ») Et, en vérité, je ne connais que Beethoven qui ait eu, depuis un siècle, à un tel degré, cette vertu d’être vrai, de ne dire rien que de vrai, de ne parler que pour soi, sans penser au public. Jamais la foi ne s’est exprimée avec cette sincérité. Franck est le seul musicien, avec Bach, qui ait réellement va le Christ, et qui le fasse voir. J’oserai même dire que son Christ est plus simple que celui de Bach, où la grandeur de la pensée est parfois entraînée, par la richesse de la forme et par une sorte d’habitude d’écriture, à des répétitions et à des artifices de virtuosité qui l’affaiblissent. Chez Franck, c’est la parole toute