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MUSICIENS D’AUJOURD’HUI.

tout ce qu’il y a de grand, d’auguste et d’éternel dans l’art des différentes époques et des différentes nations[1].


C’était une noble ambition pour l’Alsace, champ de bataille éternel, de vouloir inaugurer ces jeux olympiques del’Europe. En fait, ce concours institué entre les nations se réduisait à la lutte, sur le terrain musical, de deux civilisations, de deux arts : l’art français et l’art allemand. Aussi bien, ces deux arts représentent-ils en ce moment tout ce qu’il y a de vraiment vivant dans la musique européenne.

De telles joutes sont passionnantes. Elles pourraient être aussi utiles à l’un qu’à l’autre des deux rivaux. Malheureusement, la France n’y prend pas garde. Ce’îerait le devoir de nos musiciens et de nos critiques, de suivre attentivement ces rencontres internationales, de veiller à ce que les conditions du combat y soient loyales, — je veux dire : à ce que notre art soit représenté comme il doit l’être, — et de tirer du résultat des enseignements pour nous. Mais ils n’en font rien ; ils restent enfermés dans leurs concerts parisiens, où tous se connaissent trop pour pouvoir, pour oser se juger librement : ainsi, notre art s’étiole dans une atmosphère de cénacles, au lieu de chercher le grand air et les luttes fécondes avec l’art étranger, que la plupart de nos critiques musicaux aiment mieux nier que connaître. Jamais je n’ai tant regretté cette indifférence que dans les fêtes de Strasbourg, où, malgré les conditions défavorables où se présentait l’art français par le fait de notre incurie, j’ai senti quelle serait sa force, s’il voulait ne pas se désintéresser du combat.

  1. Programmbuch rédigé par le docteur Max Bendiner de Strasbourg.