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DON LORENZO PEROSI.

Flandre, en Italie et en Allemagne. Par eux, le même style répandait la même pensée partout. Il faut faire comme eux. Il faut tâcher de recréer un art universel, où toutes les ressources de tous les pays et de tous les temps soient fondues.

À la vérité, je crois que tout n’est pas juste dans cette comparaison ; et je doute un peu que Josquin et Roland aient été éclectiques ; ils ne fondaient pas les styles de tous les pays ; ils imposaient à tous les pays le style que venait de créer l’école franco-flamande, et qu’ils enrichissaient chaque jour. Mais, en soi, le dessein de don Perosi est digne qu’on l’admire. Il faut louer ses efforts pour créer un style universel. Ce serait un bien pour la musique, où l’éclectisme, ainsi compris, pourrait ramener sans doute l’équilibre perdu depuis la mort de Wagner ; et un bien pour l’esprit humain, qui trouverait dans l’unité de l’art un puissant instrument d’unification morale. Nous devons tâcher que les différences de races s’effacent dans l’art, et qu’il devienne de plus en plus une langue commune à tous les peuples, où les pensées opposées se rapprochent. Nous devons travailler tous à bâtir la cathédrale de l’art européen. La place du directeur de la Sixtine était toute marquée parmi les premiers constructeurs.

     

Don Perosi s’assied au piano, et joue le Te Deum de la Nativité, qu’il vient d’écrire la veille. Il joue d’un jeu très doux, d’une allégresse juvénile, qu’il accompagne en chantant à mi-voix les parties chorales. À tout instant, il se retourne vers moi, non pour chercher une approbation, mais pour voir si nous pensons ensemble. Il regarde alors bien en face, avec ses yeux tranquilles, puis revient à sa partition, puis me regarde encore. Et