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MUSICIENS D’AUJOURD’HUI.

airs bien marqués, des récitatifs nombreux, des chœurs grégoriens ou palestriniens, des chorals développés et variés à la façon ancienne, et des intermèdes symphoniques assez importants.

L’œuvre est précédée d’un grand prélude, toujours très soigné, et auquel Don Perosi attache un prix tout particulier. Il veut, dit-il, que l’édifice ait une belle porte, précieusement travaillée, comme faisaient les artistes de la Renaissance et des temps gothiques. Aussi compose-t-il son prélude après l’oratorio, et dans le calme et le recueillement. Il veut y concentrer l’atmosphère morale, l’essence de l’âme et des passions de son Drame sacré. Et il me confie que de tout ce qu’il a composé, il n’est rien qu’il préfère aux deux introductions de la Transfiguration et de la Résurrection du Christ.

La tendance de ces oratorios au drame est très marquée, et c’est surtout par là qu’ils ont conquis l’Italie Malgré nn certam nombre de pages qui s’égarent un peu dans l’opéra, voire dans le mélodrame, le sentiment en est souvent poignant. Les figures de femmes surtout sont dessinées avec délicatesse. Ainsi, dans la seconde partie de Lazare, l’air de Marie : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort », — air où l’on entend un écho de VOrphée de Gluck, d’une tristesse brisée. Ou, dans le même oratorio, quand Jésus donne l’ordre de lever la pierre du tombeau, la phrase de Marthe : « Domine, jam fœtet », toute tremblante de douleur, d’effroi, de honte, de dégoût mortel. Je veux encore citer la page la plus humaine peut-être, la plus émue de toutes ; dans la Résurrection du Christ, Madeleine près du tombeau du Christ, son dialogue avec les anges, ses plaintes pénétrantes, le divin récit de l’Évangéliste ; « Et, comme elle avait dit cela, elle se retourna, et elle vit Jésus debout, et elle ne savait pas que c’était Jésus ». Au travers de la mélodie toute chargée de tendresse, il semble qu’on voie briller les yeux du Christ posés