Page:Rolland - Musiciens d’aujourd’hui.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
DON LORENZO PEROSI.

est éclairée par d’intelligents yeux noirs, et n’a de caractéristique que l’avancement de la lèvre inférieure. Il est très simple, d’une cordialité affectueuse, et montre une modestie qui touche. Quand il conduit l’orchestre, la candeur de sa silhouette, ses gestes langoureux et gauches aux passages expressifs, d’une naïve passion aux endroits dramatiques, évoquent le souvenir des moines ingénus d’Angelico.

Voici dix-huit mois, Don Perosi a entrepris un cycle de douze oratorios sur la vie du Christ. En ce court espace, il en a achevé quatre : la Passion, la Transfiguration, la Résurrection de Lazare, la Résurrection du Christ ; et, ici même, il travaille à un cinquième oratorio : la Nativité.

Ces œuvres suffisent pour le mettre au premier rang de la musique contemporaine. Elles abondent en défauts ; mais les qualités en sont si rares, et surtout l’âme s’y montre avec tant de transparence, une sincérité si louchante y respire, que le courage me manque pour insister sur les faiblesses. Je me contente de signaler en passant l’insuffisance et les gaucheries de Torchcstration, que le jeune maître devra travailler à rendre plus fine et plus riche, une facilité admirable, sans doute, mais souvent trop hâtive, à l’entraînement de laquelle il lui faudra résister, enfin quelques traces de mauvais goût, et des réminiscences classiques, qui sont péché de jeunesse, et que l’âge effacera de lui-même. Chaque oratorio de Don Perosi est une masse en mouvement, qui, du commencement à la fin, obéit à une même pensée directrice. Don Perosi me dit :

« Le tort des artistes d’aujourd’hui est de s’attacher trop aux détails, et de négliger l’ensemble. On sculpte de beaux ornements ; mais la première chose de toutes qu’on oublie, c’est l’unité de l’œuvre, le plan, la ligne générale. Il faut d’abord que la ligne soit belle. »

Dans cette architecture musicale, on distingue des