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MUSICIENS D’AUJOURD’HUI.

d’en composer quatre, et il en supprima une. Elles ne sont pas seulement émouvantes par le souvenir de l’heure tragique où elles furent composées, mais par leur sorte de prescience prophétique de cette tragédie, par leur souffle lourd, orgueilleux et funèbre. La seconde mélodie est peut-être la plus belle de Wolf, et c’est vraiment son chant de mort :

Alles endet, was entstehet.                 Tout finit, ce qui est né.
Alles, alles rings vergehet. Tout, tout passe et fuit.

C’est un mort qu’il fait chanter :

Menschen waren wir ja auch,       Nous fûmes aussi des hommes,
Froh und traurig, so wie Ihr. Joyeux et tristes, comme vous ;
Und nun sind wir leblos hier, Et maintenant nous sommes sans vie, `
Sind nur Erde, wie Ihr sehet[1]. Nous sommes seulement de la terre,
     comme vous voyez.

Au moment où il écrivait et publiait ce chant, dans le temps de répit passager où se préparait le suprême assaut de la maladie, il était lui-même plus qu’à moitié un mort.

Aussitôt que Wolf fut bien mort, son génie fut reconnu de toute l’Allemagne. Ses souffrances provoquèrent en sa faveur une réaction presque excessive. Partout se fondèrent des Hugo-Wolf-Vereine. Ce ne sont aujourd’hui

  1. Chiunque nasce a morte arriva
    Nel fuggir del tempo, e’l sole
    Niuna cosa lascia viva
    Come voi, uomini fummo,
    Lieti e tristi, come siete ;
    E or siam, coine vedete,
    Terra al sol, di vita priva.
               (Poésies de Michel-Ange. CXXXVl.)