Schumann avait particulièrement dénaturé ces poésies. Won seulement il leur avait communiqué sa propre sentimentalité, mais il avait bravement fait chanter à quatre voix des poésies du caractère individuel le plus marqué, ce qui les rendait absurdes ; pour achever, il changeait les mots et le sens, quand cela le gênait. Wolf, au contraire, s’est plongé tout entier dans ce monde douloureux et voluptueux, sans rien qui l’en vînt distraire ; et il a produit là, comme il le disait fièrement, « des chefs-d’œuvre ». Les dix chants religieux qui ouvrent le recueil sont d’un mysticisme halluciné, qui pleure des larmes de sang ; ils sont cruels pour l’oreille, ils sont cruels pour le cœur : c’est l’expression brûlante et désolée d’une foi qui se torture. À côté, l’on trouve des visions souriantes de la Sainte Famille, qui rappellent Murillo. Les trente-quatre chants populaires sont brillants, trépidants, capricieux, d’une incroyable variété. Chacun est une figure différente, une personnalité dessinée d’un trait incisif. L’ensemble du recueil déborde de vie. On a dit du Spanisches Liederbuch qu’il était dans l’œuvre de Wolf ce que Tristan est dans l’œuvre de Wagner.
L’Italienisches Liederbuch (1890-1896) est très différent. L’expression y est concentrée. Le génie de Wolf allait vers la clarté classique de la forme. Il cherchait A simplifier toujours davantage sa langue musicale. « Maintenant, disait-il, je ne veux plus écrire que comme Mozart. » Tout l’accessoire est réduit au minimum : il ne reste que l’essentiel. Ces mélodies sont donc très courtes, et elles sont moins lyriques que dramatiques. Wolf leur attribuait une grande importance dans l’ensemble de son œuvre : « Je les tiens, — écrivait-il à Kaufmann, — pour les plus originales et les plus parfaites de mes compositions. »
Quant aux Michelangelo Gedichten (1897), interrompues par l’explosion de la maladie, Wolf n’eut le temps que