émotion. La forme musicale, calquée sur la forme poétique, est extrêmement variée : tantôt pensée fugitive, notation brève d’une impression poétique ou d’une petite action, tantôt vaste tableau épique ou dramatique. Müller remarque qu’il arrive à Wolf de donner plus d’ampleur à une poésie que le poète même : — ainsi dans l’Italienisches Liederbuch. — C’est le principal reproche qu’on puisse lui faire, et il n’est pas banal. Wolf a surtout excellé à rendre les poésies qui s’accordaient avec son sort tragique, qu’on eût dit qu’il pressentait. Personne n’a mieux exprimé en musique l’angoisse d’âmes troubles et désespérées, comme le vieux joueur de harpe de Wilhelm Meister, ou le néant grandiose de certaines poésies de Michel-Ange.
De tous ses recueils de Lieder, le premier publié : les 53 Gedichte von Eduard Môrike komponiert für eine Singstimme und Klavier (1888), fut le plus populaire. Il conquit à Wolf des affections sans nombre, non pas —peut-être parmi les artistes (ou ce fut la minorité), mais les meilleures de toutes et les plus désintéressées, — parmi les petites gens, parmi les braves gens, qui font de l’art non un métier, mais leur pain spirituel de chaque jour ; parmi ceux — et ils sont foule en Allemagne — dont la vie ingrate est embellie par l’amour de la musique. De ces amis, Wolf en a trouvé dans toutes les parties de l’Allemagne, mais surtout en Souabe. A Stuttgart, à Mannheim, à Darmstadt, et dans tout le pays alentour, Wolf est devenu populaire, le seul musicien populaire, depuis Schubert et Schumann. Toutes les classes de la société s’unissent dans cet amour. « Ses Lieder, dit M. Decsey, sont sur les pianos des plus pauvres maisons, à côté des Lieder de Schubert. » Stuttgart est devenue pour Wolf, comme il l’écrivait lui-même, une « cconde patrie. Il a dû cette popularité, sans exemple en Souabe, à la passion des gens de ce pays pour les Lieder, et surtout aux poésies de Mörike, le pasteur