plus écrire une note. Mon opéra inachevé ne m’attire plus. En général, toute musique m’est odieuse. C’est à cela que sont arrivés mes amis bien intentionnés ! Comment je m’arrangerai de cet état, c’est pour moi une énigme… Ah ! vous, bienheureux Souabes ! quelles gens dignes d’envie vous êtes !… Salue pour moi ton beau pays et sois chaudement embrassé par ton malheureux et désemparé Hugo Wolf[1].
Cependant, revenu à Vienne, il sembla se rétablir. Il reprit en apparence sa santé, sa gaieté. Seulement, à son propre étonuement, il était devenu « un homme tranquille, posé, silencieux, qui voulait de plus en plus rester seul[2] ». Il ne composait plus ; mais il revoyait ses Lieder de Michel-Ange, et il les publiait. Il faisait des projets pour l’hiver, il se réjouissait de le passer à la campagne, près de Gmunden, « dans une retraite absolue, sans être troublé par rien, uniquement pour son art[3] ». Sa dernière lettre à Faisst dit :
Je suis tout à fait guéri, je n’ai plus besoin d’aucune cure. Tu en aurais plus besoin que moi[4].
Vint un nouvel accès de folie. Et, cette fois, ce Hit fini.
Dans l’automne de 1898, Wolf fut transporté à une maison de fous, à Vienne. Il put d’abord y recevoir quelques visites, et faire un peu de musique à quatre mains avec le directeur de l’établissement, qui était musicien et admirait les œuvres de Wolf. Il put même, au printemps, faire quelques promenades au dehors, avec ses amis et un gardien. Mais il commençait à ne plus reconnaître les choses, les gens, ni lui-même. « Oui, disait-il, en soupirant, si j’étais Hugo Wolf !… »