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MUSICIENS D’AUJOURD’HUI.

pire, je le supporterai, oui, quand même aucun rayon de soleil ne devrait plus éclairer ma triste existence… Et là-dessus, nous voulons, une fois pour toutes, tourner la page, et en avoir fini avec ce douloureux chapitre de ma vie[1].


Voilà une lettre — et elle n’est pas la seule — dont le sombre stoïcisme rappelle les lettres de Beethoven, et qui exprime des douleurs que le malheureux Beethoven n’a pas connues. — Qu’il n’a pas connues ?… Qui sait ?… N’a-t-il pas souffert de semblables angoisses, dans la morne période qui suit 1815, avant le réveil des dernières sonates, de la Missa Solemnis et de la Symphonie avec chœurs ?

En mars 1895, Wolf revit. Il écrit en trois mois la partition de piano du Corregidor. Depuis des années, il était attiré vers la scène, et spécialement vers l’opéra-comique. Si enthousiaste qu’il fût de Wagner, il avait déclaré : « Affranchissons-nous du Musik-Drama wagnérien ! » Il connaissait sa nature, et n’aspirait pas à la succession de Wagner. Un de ses amis lui ayant offert un sujet d’opéra, tiré de la légende de Bouddha, il lui avait répondu que « le monde ne s’entendait pas encore sur le sens des doctrines de Bouddha », et qu’il n’avait aucune envie de « donner un nouveau mal de tête à l’humanité ».

Wagner a, dans et par son art, accompli une si puissante œuvre libératrice que nous pouvons nous réjouir de ce qu’il nous est tout à fait inutile de donner l’assaut au ciel, puisqu’il nous a été conquis. Il est beaucoup plus sage de nous chercher dans ce beau ciel une place bien agréable. Cette agréable petite place, je voudrais la trouver, non pas dans

  1. Lettre à Hugo Faisst. 21 juin 1894.