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HUGO WOLF.

tout le Gœthe-Liederbuch : — 51 Lieder, dont quelques-uns sont, comme le Prométhée, de grandes scènes dramatiques.

La même année, toujours à Perchtoldsdorf, après avoir publié un volume de Lieder d’Eichendorff, il se jetait dans un nouveau cycle de Lieder, — le Spanisches Liederbuch, — sur des poésies espagnoles, traduites par Heyse ; il écrivait les 44 Lieder dans la même fureur de joie :


Ce que j’écris maintenant, je l’écris pour l’avenir… Depuis Schubert et Schumann, il n’y a rien eu de semblable !…


Deux mois après avoir fini le Spanisches Liederbuch, en 1890, il composait encore un cycle de Lieder sur les poésies du grand écrivain suisse, Gottfried Keller : Alten Weisen. Enfin, la même année, il commençait l’Italienisches Liederbuch, sur des poésies italiennes, traduites par Geibel et Heyse.

Et puis, — et puis, ce fut le silence.

L’histoire de Wolf est un des cas les plus extraordinaires de l’art, un de ceux qui font le mieux entrevoir les mystères du génie.

Résumons ce qui précède. Wolf, à vingt-huit ans, n’a, pour ainsi dire, rien écrit encore. De 1888 à 1890, il écrit, coup sur coup, dans un délire, 53 Lieder de Mörike, 51 Lieder de Goethe, 44 Lieder espagnols, 17 Lieder d’Eichendorff, une dizaine de Keller, et les premiers Lieder italiens : soit environ 200 Lieder, tous d’une individualité admirable.

Là-dessus, la musique se tait. La source ne coule plus. Wolf, saisi d’angoisse, écrit des lettres désespérées :